
Lors de mon premier séjour à Rio de Janeiro, la ville était nourrie d'illusions. La coupe du monde venait de se terminer, mais les Jeux Olympiques approchaient, et avec eux leur lot de transformations radicales.
Deux ans plus tard, les Brésiliens ont supporté bien des déceptions. Cependant, un projet terminé lors des jeux olympiques semble avoir survécu à ces temps difficiles, en transformant radicalement le visage de la ville: Porto Maravilha.
Le port de Rio de Janeiro est témoin de toute son histoire. Ses quais ont vu arriver des centaines de navires négriers, et ses collines sont devenues à la fois cimetières d'esclaves et berceaux du Samba.
Autrefois lieu de rencontres et d'échanges, la région portuaire fut quelque peu oubliée à partir des années 1950, lors de la construction des viaducs autoroutiers qui ont entaillé le quartier. Peu à peu, les paquebots se sont fait rares, et seuls les sambistas ont continué à attirer le reste des Cariocas dans le vieux port.

En 2009, le projet Porto Maravilha a été mis en place pour revitaliser la zone. Au programme: démolition des viaducs, inauguration de musées, construction d'un tramway, restauration de vieux immeubles... Un projet à la mesure d'un Brésil optimiste et prospère, qui ne s'attendait pas aux crises déclenchées cinq ans plus tard.
En 2014, Porto Maravilha était en retard. Il avait raté la coupe du monde, mais espérait être prêt pour les jeux olympiques de 2016. En ce temps-là, j'ai eu du mal à comprendre pourquoi le festival de cinéma se déroulait dans un vieil entrepôt, à côté d'une avenue sordide où des carcasses de viaducs attendaient à être rasées. Je me baladais dans un paysage entre deux époques, en imaginant ce qui pourrait déboucher de ce désordre...
Deux ans plus tard, le port de Rio vit une nouvelle jeunesse. L'horrible avenue est devenue une esplanade piétonne, traversée par un tramway que les Cariocas empruntent comme s'il s'agissait d'un nouveau jouet. Les quais ont été renommés “promenade des musées”, et les façades des immeubles abandonnés ont été couvertes de beaux graffitis. La longue balade piétonne, sans appartements ni restaurants, mais parsemée de food trucks, d'artistes de rue et de salles de spectacles, était remplie de flâneurs ravis de découvrir un nouveau quartier.
La ville ne cache pas son orgueil. Des panneaux déclarent “Quem te viu, Quem te vê” (“qui j'étais, qui je suis”, en quelque sorte), en exhibant des photographies avant et après les travaux. Les changements sont impressionnants. Une nouvelle vue sur la baie s'est dévoilée, et les Cariocas semblent vouloir l'intégrer dans la ville.
Cependant, l'euphorie peut agir de façon étrange. Mise à part l'évidente volonté de gentrification (qu'adviendra-t-il des habitants des collines voisines, qui ont su maintenir leur mode de vie malgré l'isolement?), je ne sais si les boulevards du port seront toujours aussi remplis. Rien ne ternira la beauté de la promenade aux abords de la baie, mais je crains le vide de l'esplanade des quais, où personne ne semble habiter.

Je ne peux que me réjouir de l'enthousiasme pour Porto Maravilha. Le Centre de Rio a trop longtemps été mal aimé par ses habitants, alors qu'il abrite des trésors culturels inestimables. J'espère seulement que la promesse de ce projet ne soit une nouvelle illusion perdue.
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